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VS 14.02.2003
discrimination salariale

sujet

administration publique
comparaison des fonctions
profession typiquement féminine

LEg

art 3, art 5, art 6, art 13, art 17

procédure

16.05.1989Jugement du Tribunal administratif cantonal (P 271/86 et 272/86 ; P 211/87 et 212/87) 14.12.1989Arrêt du Tribunal fédéral (2 P. 245 et 2 P. 246/1989) (renvoi de la cause au Tribunal cantonal) 09.10.1997Jugement du Tribunal cantonal (renvoi au Conseil d’Etat pour nouvelle décision) 13.10.1999Décision de rejet du Conseil d’Etat suite à la demande de reconsidération 23.05.2001Jugement du Tribunal cantonal (A1 99 200) 14.02.2003Arrêt du Tribunal fédéral (2 A.301/2001) 12.05.2003Arrêt du Tribunal fédéral sur les dépens (2 A.301/2001)

en fait

Le 20 mars 1986, la demanderesse A., secrétaire du chef du département de l’instruction publique et des affaires sociales du canton du Valais, et la demanderesse B., secrétaire du chef du département de l’intérieur et de l’économie publique, devenu par la suite département de l’économie publique et de la santé publique, du canton du Valais, ont demandé au Conseil d’Etat de colloquer leur fonction en 10e classe de l’échelle des traitements, en se référant à la fonction de chef du secrétariat de la Chancellerie du canton du Valais.

Le Conseil d’Etat a rejeté ces requêtes par décision du 3 septembre 1986. Il a confirmé sa décision le 8 juillet 1987, rejetant la demande de reconsidération formulée par A. et B. le 23 décembre 1986 et maintenant la collocation de leur fonction en 16e classe de l’échelle des traitements.

Le 16 mai 1989, le Tribunal administratif cantonal rejette le recours des demanderesses contre la décision du 8 juillet 1987 du Conseil d’Etat, refusant de reconsidérer sa décision du 3 septembre 1986.

Comparant la teneur du cahier des charges du chef du secrétariat de la Chancellerie d’Etat avec celui des demanderesses, le Tribunal a considéré que la fonction du premier avait un caractère plus marqué de fonction de direction que la fonction des deuxièmes. Les juges ont ainsi admis que la différence de classement dont se plaignaient les demanderesses tenait à un motif objectif, soit à la différence de degré de difficultés entre le poste de secrétaire de chef de département et le poste de chef du secrétariat de la Chancellerie d’Etat.

Le Tribunal a rejeté les recours des demanderesses, jugeant que la décision du Conseil d’Etat ne violait pas la garantie de l’égalité de traitement au sens de l’art. 4 al. 1 aCst., ni l’interdiction de l’inégalité de rémunération en raison du sexe; la valeur du travail des demanderesses ne pouvant être reconnue comme égale à celle du chef du secrétariat de la Chancellerie au sens de l’art. 4 al. 2 aCst.

Le 14 décembre 1989, le Tribunal fédéral admet le recours de droit public des demanderesses et annule l’arrêt du Tribunal administratif cantonal

Considérants

Selon le Tribunal fédéral, le Tribunal administratif cantonal ne pouvait refuser les offres de preuves des demanderesses en affirmant que l’objet du procès se limitait à une comparaison de leur fonction avec celle du chef du secrétariat de la Chancellerie. Les juges ont précisé qu’il était nécessaire d’élargir la comparaison à d’autres fonctions et que les juges cantonaux auraient dû examiner librement et globalement si la classification des intéressées était conforme à l’art. 4 aCst., en particulier si leur rétribution était conforme à l’art. 4 al. 2 3e phrase aCst. dont elles avaient expressément invoqué la violation.
Le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt du 16 mai 1989 et renvoyé la cause au Tribunal administratif cantonal pour complément d’instruction et nouvelle décision.

La demanderesse B. a pris sa retraite le 31 décembre 1987 et la demanderesse A. le 12 juin 1992. Le 9 octobre 1997, la Cour de droit public du Tribunal cantonal, qui a remplacé le Tribunal administratif cantonal, a rendu un nouvel arrêt après complément d’instruction. Elle a admis le recours des demanderesses et renvoyé l’affaire au Conseil d’Etat pour nouvelle décision.

Le 13 octobre 1999, le Conseil d’Etat rejette la demande de reconsidération présentée par les intéressées.

Considérants

Le Conseil d’Etat a relevé que la LEg avait été reconnue applicable à cette affaire par le Tribunal cantonal, notamment l’art. 6 LEg selon lequel l’existence d’une discrimination était présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable. Il a également indiqué qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter du constat déjà opéré antérieurement selon lequel la différence de qualification entre les fonctions des demanderesses et celle du chef du secrétariat de la Chancellerie était justifiée par les caractéristiques spécifiques de ces deux fonctions. Le Conseil d’Etat a ensuite comparé la fonction des demanderesse aux autres fonctions de secrétariat pour arriver à la conclusion que la classification de leur poste était en harmonie avec l’ensemble du système de classification, puis il a étendu la comparaison à des fonctions autres que celle de secrétariat. Il a ainsi examiné les formations requises pour les fonctions rangées en classes 10 à 14 et constaté qu’elles impliquaient des tâches de direction et des responsabilités supérieures à la fonction des demanderesses. Le Conseil d’Etat a aussi relevé que la fonction des demanderesses aurait pu être en classe 15 compte tenu des exigences psychiques, soit la disponibilité et le stress qui y étaient liées, mais que le maintien en classe 16 se justifiait du fait que les demanderesses étaient au bénéfice du régime spécial de la prime au mérite valant pour le personnel féminin. Il a précisé que les demanderesses avaient ainsi bénéficié d’un avantage correspondant à une double prime au mérite, soit 13%, ce qui compensait de loin les incidences financières liées à la non-attribution d’une classe supplémentaire, de l’ordre de 4,9%.

Le Conseil d’Etat a rejeté la demande de reconsidération au motif que les demanderesses n’avaient pas été victimes d’une discrimination, que ce soit au regard du principe de l’égalité de traitement ou de la LEg.

Les demanderesses ont recouru contre la décision du Conseil d’Etat, concluant à son annulation, ainsi qu’à la collocation de leur poste en classe 10 durant les rapports de service et au versement de la différence entre le salaire dû et le salaire perçu.

Le 23 mai 2001, la Cour de droit public du Tribunal cantonal rejette le recours des demanderesses.

Considérants

Les juges ont confirmé que le poste de chef du secrétariat de la Chancellerie avait un caractère de fonction de direction, contrairement au poste des demanderesses. Ils ont relevé qu’il était usuel et conforme à la garantie de l’égalité de traitement que des fonctions impliquant des responsabilités de direction soient mieux classées et payées que des fonctions qui, à d’autres titres, leur sont comparables sans impliquer ces responsabilités. Les juges ont considéré qu’un écart de 5 classes entre la fonction de chef du secrétariat de la Chancellerie et celle de secrétaire de chef de département ne constituait pas une discrimination et que les demanderesses n’avaient par ailleurs pas rendu vraisemblable l’existence d’une discrimination avec d’autres fonctions.
La Cour de droit public a rejeté le recours des demanderesses, sans frais ni dépens.

Les demanderesses ont formé un recours de droit administratif et un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt du 23 mai 2001.

en droit

Le recours de droit administratif étant recevable dans la mesure où il invoque une violation de la loi sur l’égalité, le recours de droit public a été considéré comme irrecevable.

Le 14 février 2003, le Tribunal fédéral annule l’arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal.

Les juges ont considéré que le Conseil d’Etat avait rendu une décision sur la demande de reclassification du 20 mars 1986, le 13 octobre 1999 seulement, puisque les décisions précédentes avaient été annulées, et admis que la LEg s’appliquait au regard de l’article 17. Le Tribunal fédéral a également considéré que les demanderesses avaient rendu vraisemblable qu’elles avaient été victimes d’une discrimination salariale. Il a en outre relevé que le fait de créer un régime de fonctions féminines comportant un système de rattrapage salarial constituait en soi l’indice d’une discrimination liée au sexe et qu’un tel rattrapage ne compensait pas une classification discriminatoire.

Le Tribunal fédéral a constaté que B. avait effectué le travail d’un chef administratif sans en porter le titre, ni avoir le sexe prétendument adéquat puisqu’à sa retraite elle devait être remplacée par un chef administratif ayant un secrétariat sous ses ordres et qui ne pouvait être qu’un homme.

Les juge ont considéré que le Conseil d’Etat n’était pas parvenu à prouver que le chef du secrétariat de la Chancellerie devait assumer des tâches de direction nettement différentes que celles qui incombaient aux secrétaires de chef de département, ni qu’il avait des fonctions de gestion sensiblement plus importantes que celles-ci. Comparant les deux fonctions, les juges sont arrivés à la conclusion qu’elles étaient équivalentes, comportant un certain nombre de tâches analogues, mais également des charges propres à chacune. Ils ont relevé qu’elles demandaient toutes deux des compétences intellectuelles, le sens des responsabilités, de l’esprit d’initiative, de la discrétion, ainsi qu’une grande disponibilité et qu’une différence de 6 classes de traitement ne s’expliquait pas objectivement.

Les juges ont par ailleurs constaté que les fonctionnaires hommes situés dans la 16e classe de l’échelle des traitement devaient satisfaire à des exigences moins élevées que les demanderesses. Selon le Tribunal fédéral, la comparaison entre la fonction des demanderesses, typiquement féminine, colloquée en 16er classe, et la seule fonction équivalente attribuée à un homme colloquée en 10eclasse, ainsi que la comparaison de leur fonction avec les autres fonctions colloquées en 16ème classe attribuées à des hommes, amenait à la conclusion que les demanderesses avaient été victimes d’une discrimination directe liée au sexe.

Les juges ont décidé que les demanderesses devaient être rémunérées de la même façon que le chef du secrétariat de la Chancellerie. Ils ont admis le recours de droit administratif et annulé l’arrêt cantonal du 23 mai 2001. La cause a été renvoyée au Conseil d’Etat du canton du Valais pour qu’il prenne formellement la décision de ranger la fonction occupée par A., du 1er janvier 1987 au 12 juin 1992, et la fonction occupée par B., du 1er janvier au 31 décembre 1987, dans la 10ème classe de l’échelle des traitements; qu’il établisse le montant du salaire revenant à chacune des intéressées pour la période concernée, ainsi que les prestations afférentes à ce salaire auxquelles elles avaient droit et qu’il ordonne le versement de ces sommes aux demanderesses. Le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au Tribunal cantonal pour qu’il statue à nouveau sur les dépens de la procédure cantonale. Il a condamné le canton du Valais à verser aux demanderesses, créancières solidaires, une indemnité de Fr. 3’000.— à titre de dépens.

Le 12 mai 2003, le Tribunal fédéral condamne l’Etat du Valais à verser des dépens aux demanderesses.

Considérants

Les juges ont considéré que l’indemnité de dépens due aux demanderesse pour la procédure cantonale devait couvrir les frais nécessaires qui leur ont été occasionnés devant le Conseil d’Etat et devant la Cour de droit public depuis l’arrêt rendu par celle-ci le 9 octobre 1997, précisant qu’elle devait être fixée d’après la nature et l’importance de la cause, des difficultés, de l’ampleur du travail, du temps utilement consacré, de la situation financière de la partie et qu’elle devait également tenir compte de la valeur litigieuse.

Relevant, notamment, que l’affaire avait présenté une certaine complexité, nécessité la rédaction d’un mémoire de recours de droit administratif, et au vu du temps écoulé depuis l’arrêt du 9 octobre 1997, les juges ont décidé que l’Etat du Valais devait verser aux demanderesses, créancières solidaires, le montant de Fr. 4’000.— à titre de dépens pour la procédure cantonale. L’arrêt a été rendu sans frais.

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