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VD 23.03.2005
harcèlement sexuel
licenciement discriminatoire

sujet

mesures correctives suffisantes

LEg

art 3, art 4, art 5, art 10

procédure

13.05.2004Décision sur mesures pré-provisionnelles 27.08.2004Décision sur mesures provisionnelles 23.03.2005Jugement du Tribunal d’arrondissement (cause n° PT04.009683)

en fait

Mme T a été engagée par EMS comme aide-infirmière le 1er février 2002. Elle se plaint d’avoir été harcelée sexuellement par un collègue, M. H. engagé à un taux variant de 40 à 20% comme assistant de l’équipe de direction.

Selon ses collègues et supérieurs, Mme T est une personne assez individualiste. Elle a de la peine à travailler en équipe et se montre souvent critique, voire dure à l’égard de ses collègues et des résidents. Son humeur est instable. Elle peut être euphorique ou en colère et tenir des propos désobligeants. Mme T désirait entreprendre une formation en emploi et, en date du 4 novembre 2002, sa directrice Mme D ainsi que son infirmière référente Mme I lui ont établi de très bonnes références, pour qu’elle puisse être admise à l’école des infirmières.

Le 30.01 2004, lors d’une soirée du personnel M. H et Mme T, qui ont été assis ensemble se sont retrouvé par hasard à la sortie des toilettes. M. H. a alors fait à Mme T des propositions d’ordre sexuel. Il a notamment tenté de l’embrasser en la plaquant contre le mur. Mme T en a tout de suite parlé à Mme D qui a interrogé M. H qui ne s’est pas exprimé sur l’incident. La soirée bien arrosée s’est terminée peu avant minuit et Mme T l’a quittée au même temps que les autres.
Le 2.02. 2004, la directrice a convoqué Mme T pour faire toute la lumière sur les événements du 30.01.04. Mme T avait alors dit avoir subi du harcèlement depuis près d’une année et avait exigé que son collègue soit licencié sur le champs à défaut d quoi elle déposerait une plainte pénale. Le même jour, la directrice a entendu M. H qui avait avoué avoir fait des avances à Mme T, qu’elle aurait déclinées. Il n’aurait pas utilisé de contrainte pour parvenir à ses fins.

Le 9 février 2004, à la suite d’une séance à laquelle les deux protagonistes ont été convoqués, (seul M. H s’est présenté) l’EMS a envoyé à M. H «un avertissement sérieux» avec une menace de licenciement à la récidive et ceci alors même que les dépositions de deux employés n’étaient pas concordantes. Pour séparer les employés, M. H devait désormais travailler dans le bureau de la directrice. Le 24 février 2004 Mme T a été informée de mesures prises à l’égard de son collègue. Par la suite M. H ne s’est plus rendu dans l’EMS et travaillait dans un bureau aménagé à son domicile.
Mme T n’était pas satisfaite de mesures prises et la situation se dégradait d’avantage sur le lieu de travail au point que la direction pensait licencier la demanderesse mais en même temps voulait donner à Mme T la possibilité de valider son semestre d’enseignement à l’école des infirmières ce qui présupposait le maintien de l’emploi.

Pour des impératifs pratiques, M. H est revenu travailler dans l’EMS le 5 mars 2004, mais avec des consignes strictes qui l’empêchaient de rencontrer Mme T dans les locaux. Ayant appris la nouvelle le jour même, Mme T a eu une réaction violente se sentant trahie et a affirmé n’avoir plus confiance ni en son infirmière référente, ni en la direction.

Après avoir pris l’avis du président du Conseil d’administration, la direction a licencié Mme T pour le 31 mai 2004 en la libérant de l’obligation de travailler avec effet immédiat.

Avant la fin de son contrat Mme T avait demandé par le biais des mesures préprovisionnelles son réengagement, une somme de 21’000.- CHF à titre d’indemnité pour harcèlement sexuel et 20’000.- CHF en réparation du tort moral. Au cours de l’audience de jugement sur le fond, la demanderesse a fait usage de l’art.10 al. 4 LEg et en lieu et place de la poursuite des rapports de travail Mme T a demandé une indemnité pour le licenciement abusif.

Le 23 mars 2005 le Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne a rejeté les conclusions de la demanderesse sans frais et l’a condamnée à la participation aux dépens de la partie adverse à la hauteuru de 3’000.- CHF.

en droit

Le Tribunal de l’arrondissement rappelle que l’art.5 al. 3 LEg lui permet de condamner l’employer à verser au travailleur harcelé, une indemnité, à moins que l’employeur ne prouve qu’il a pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir le harcèlement sexuel ou y mettre fin.

En effet, la LEg ne traite pas de la responsabilité de l’auteur des actes mais de celle de l’employeur. Le comportement de M. H était inacceptable et il était impératif que des mesures soient prises à son encontre. La réaction de l’employeur a été rapide. Il y a eu immédiatement une enquête interne et les mesures prises peuvent être considérées comme adéquates. M. H a reçu un avertissement formel et il a été écarté. Son retour à l’EMS a été soigneusement organisé de nature à préserver la demanderesse de tout contact avec son agresseur. L’employeur a dès lors prouvé avoir pris des mesures adéquates dès la première réclamation de son employée. Une indemnité pour harcèlement sexuel n’est donc pas due.

La demanderesse fait valoir cumulativement les articles 4, 5 al.2 et 9 et ss LEg et relève qu’elle a été licenciée durant la période de protection résultant de l’art. 10 al. 2 LEg. Elle affirme qu’il s’agit du congé représailles et que la direction a choisi de la licencier elle par rapport à son collègue parce qu’elle était une jeune femme en formation occupant un poste subalterne. Selon le Tribunal, ce raisonnement ne tient pas. M. H n’était pas un supérieur hiérarchique de Mme T, occupé qu’accessoirement, il ne faisait pas partie du personnel soignant. De surcroît toute la direction est féminine et le personnel l’est en majorité.
De surcroît l’employeur a démontré que le licenciement reposait sur des motifs justifiés ayant leur origine bien avant le 30 janvier 2004. Les critiques formulées à l’égard de la demanderesse avaient trait à la qualité de son travail, au manque d’empathie et de communication avec les résidents, manque de collaboration avec l’équipe et son attitude irrespectueuse et dénigrante envers certaines de ses collègues. Malgré les reproches formulés, de nombreux conseils prodigués et des rapports négatifs qu’elle avait reçus, la demanderesse n’a pas changé d’attitude ni amélioré la qualité de ses prestations professionnelles. Et après la crise, alors que la défenderesse a pris des mesures adéquates, la demanderesse faisant preuve d’intransigeance et pratiquant la surenchère au niveau de ses prétentions a rompu tout espoir d’une poursuite de la collaboration.

Ainsi, l’employeur disposait des motifs justifiés pour licencier la demanderesse.

L’art.5 al. 5 LEg prévoit que «sont réservés les droits en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, de même que les prétentions découlant de dispositions contractuelles plus favorable au travailleur. Les conditions de telles actions sont soumises aux règles ordinaires de la responsabilité civile. La demanderesse a beaucoup souffert et a subi un préjudice important. (Formation interrompue, incapacité de travail pour maladie, chômage) Cependant l’indemnité ne peut lui être allouée car il ne peut être reproché à la défenderesse de l’avoir discriminée, tant en ce qui concerne le comportement de M. H qu’en matière du licenciement. L’EMS ne s’est pas rendu coupable des manquements graves à l’art.328 CO. La prétention en tort moral doit être écartée.

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