Fonction publique. Révocation avec effet immédiat. Harcèlement sexuel.
art 4
28.6.2012 Décision de révocation avec effet immédiat 30.7.2013 Arrêt de la Cour de justice, chambre administrative (rejet du recours)
Après avoir fait l’objet d’avertissements en raison de son attitude au travail, un cuisinier au service de l’Hospice général à Genève est révoqué avec effet immédiat pour avoir harcelé sexuellement plusieurs collègues, dont une apprentie. Le fonctionnaire révoqué recourt – sans succès – contre cette décision. La Cour de justice retient l’existence d’un harcèlement sexuel au sens de la loi fédérale sur l’égalité et estime que l’Hospice n’a pas excédé son pouvoir d’appréciation en infligeant la plus grave sanction prévue par la loi cantonale sur le personnel.
Fin 2007, Monsieur T. est engagé comme cuisinier par l’Hospice général et rattaché au foyer F., lieu de séjour pour personnes âgées ou au bénéfice de l’assurance-invalidité.
En janvier et juin 2011, Monsieur T. reçoit deux avertissements motivés par un non-respect récurrent des horaires et une attitude inadéquate au travail, notamment la tenue de propos à connotation sexuelle lors d’un colloque (« si vous continuez à m’embêter avec les horaires […], je me fais enculer »).
Le 12 septembre 2011, Madame B., employée du foyer F, se plaint auprès du directeur d’avoir subi, à l’instar d’autres membres du personnel féminin, des attouchements de la part de Monsieur T. En particulier, Madame B. reproche à ce dernier d’avoir mis la main sous sa jupe. Entendu le jour même, Monsieur T. reconnaît les faits et explique avoir voulu plaisanter. Lors d’un entretien de service le 30 septembre 2011, il ajoute avoir agi avec le consentement de ses collègues, dans un esprit de « rigolade ». « Sur les treize femmes, sept s’amusaient de cette situation. Le six autres ayant fait part de leur désaccord, il les laissait tranquilles ».
Monsieur T. est libéré de son obligation de travailler dès le 21 septembre 2011. L’accès à son lieu de travail lui est interdit. Le 10 octobre 2011, le conseil d’administration de l’Hospice décide d’ouvrir une enquête administrative à son encontre. Monsieur T. est suspendu de ses fonctions durant les investigations.
Après avoir procédé à l’audition de Monsieur T. et de treize témoins, l’avocate chargée d’enquêter dépose son rapport le 28 mars 2012. Selon l’enquêtrice, aucune information claire sur la différence entre une ambiance de « franche camaraderie » et des gestes inadéquats n’a été donnée, de façon préventive, au sein du foyer F. En outre, il a manqué un lieu permettant au personnel de se confier, sans crainte de représailles. L’enquête permet d’affirmer que les attouchements et propos à connotation sexuelle dénoncés par plusieurs employées, dont une apprentie âgée de vingt-deux ans, sont avérés et constitutifs de harcèlement sexuel. Il appartient à l’Hospice d’examiner quelle sanction doit être prise à l’égard de Monsieur T., compte tenu de l’ensemble des circonstances et au vu, notamment, de l’ambiance sexualisée qui régnait, de façon générale, sur le lieu de travail.
Par décision du 28 juin 2012, le conseil d’administration de l’Hospice révoque Monsieur T. avec effet immédiat (au sens de l’art. 16 LPAC). Monsieur T. recourt contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice. Il conclut à l’annulation de la décision et à ce que sa réintégration soit ordonnée.
A l’appui de son recours, Monsieur T. invoque tout d’abord une violation de l’art. 29 al. 1 Cst., en vertu duquel toute personne a droit, dans une procédure administrative ou judiciaire, à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. La Cour écarte ce grief en expliquant que la durée de neuf mois, qui sépare l’entretien de service et la décision de révocation, correspond à la durée moyenne des procédures disciplinaires avec enquête administrative menées en application de la loi cantonale sur le personnel. Au regard du cas d’espèce, l’Hospice a agi avec toute la célérité requise (cf. consid. 3).
En outre, Monsieur T. estime qu’il n’aurait pas dû être sanctionné pour des actes accomplis par plusieurs autres membres du personnel – femmes et hommes – dans le cadre de plaisanteries normales entre collègues. La Cour, en revanche, qualifie les attouchements sexuels et propos salaces, dont le recourant admet être l’auteur, de fautes graves, contraires aux devoirs du fonctionnaire. En outre, ces comportements entrent dans la définition du harcèlement sexuel au sens de l’article 4 LEg, dont la violation n’est pas soumise à la condition d’une intention de discriminer. C’est donc à juste titre que Monsieur T. a été sanctionné par l’Hospice (cf. consid. 5 et 6).
Enfin, Monsieur T. allègue que la révocation avec effet immédiat dont il fait l’objet, à savoir la sanction la plus grave prévue par la loi cantonale sur le personnel, est disproportionnée. Sur ce point également, la Cour ne donne pas raison au recourant. Au vu de la gravité des actes reprochés et du fait que ce dernier avait déjà fait l’objet de deux avertissements avant d’être révoqué, la Cour est d’avis que l’Hospice n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en révoquant Monsieur T. avec effet immédiat. « Certes, une ambiance légère existait déjà lorsqu’il est arrivé au foyer. Monsieur T. a toutefois largement contribué à ce que cette ambiance nuisible à une saine collaboration entre collègues perdure et se renforce. […] Le recourant aurait pu choisir, dès son arrivée dans l’institution, de rejoindre le camp de ceux qui ne s’adonnaient pas à ce qu’il qualifie de “jeu” puisqu’il avait parfaitement identifié que, parmi ses treize collègues féminines, il y en avait sept qui ne s’amusaient pas ». (cf. consid. 7).
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.