Propos à caractère raciste ou sexuel. Harcèlement psychologique ou sexuel non prouvé.
art 4, art 5, art 6
28.07.2015Audience de conciliation (autorisation de procéder) 17.11.2016Jugement du Tribunal des prud’hommes (JTPH/425/2016) 18.07.2017Arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice (CAPH/100/2017)
Suite à son licenciement, une travailleuse, originaire de Somalie et au bénéfice d’un permis B, se plaint des propos irrespectueux, racistes et à connotation sexuelle, tenus par son patron. Elle intente action pour harcèlement psychologique et sexuel.
Le Tribunal des prud’hommes puis la Cour de justice considèrent que la travailleuse n’a pas apporté la preuve du harcèlement. La travailleuse est déboutée de toutes ses conclusions.
D’origine somalienne, T. est engagée en 2009 comme assistante administrative par les époux M. B. et Mme D. Suite au décès de cette dernière, en 2011, T. est promue Office manager. Dès 2012, la relation entre la travailleuse et son patron, B., se dégrade. Entre 2009 et 2014, T. se trouve à plusieurs reprises en incapacité – totale ou partielle – de travailler pour cause de maladie.
Par lettre du 18 décembre 2014, B. licencie T. avec effet au 28 février 2015. La travailleuse est libérée de l’obligation de prester jusqu’au terme du contrat. Du 13 février au 30 septembre 2015, T. est en incapacité totale de travailler.
Le 28 juillet 2015, la tentative de conciliation entre les parties se solde par un échec. T. se prépare à saisir le Tribunal des prud’hommes. Entretemps, le 7 septembre 2015, B. dépose contre T. une plainte pénale pour diffamation et calomnie. Le Ministère public n’entre pas en matière.
Dans un jugement du 17 novembre 2016, le Tribunal des prud’hommes déboute T. de toutes ses conclusions. Par acte déposé le 3 janvier 2017 au greffe de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice, la travailleuse demande l’annulation de ce jugement.
La salariée reproche au Tribunal d’avoir nié l’existence d’un harcèlement psychologique et sexuel. Elle conclut à ce que son employeur soit condamné à lui verser une indemnité au sens de l’art. 5 al. 3 et 4 LEg (CHF 38’490.-), une indemnité pour tort moral (CHF 25’000.-) et des dommages-intérêts (CHF 2’370.-).
Dans un premier temps, la Cour de justice rappelle que, « selon l’article 328 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur » (c. 5). La Cour s’intéresse ensuite à deux formes d’atteinte à la personnalité, à savoir le mobbing ou harcèlement psychologique (c. 5.1.1) et le harcèlement sexuel (c. 5.1.2.).
Au sujet du harcèlement sexuel, l’arrêt mentionne la définition qui figure à l’article 4 LEg et le fait que, « vu la difficulté de prouver ce type d’atteinte à la personnalité, il est possible de l’admettre sur la base d’un faisceau d’indices convergents », comme c’est le cas en matière de harcèlement psychologique (c. 5.1.2 in fine avec les références à la jurisprudence fédérale).
En l’espèce, il résulte des témoignages fournis par les collègues et les médecins de T., que B. formulait des remarques parfaitement déplacées sur l’origine somalienne de son employée. De plus, B. « peinait à adopter une attitude constante et professionnelle à l’égard de ses employées féminines, se montrant à certaines occasions par trop familier – bise, rapprochement corporel, commentaires sur l’habillement, plaisanteries douteuses, etc. – à d’autres très gentil – fleurs, chocolat, aide – et à d’autres encore excessivement autoritaire, exigeant par exemple l’accomplissement de tâches exorbitantes – promener le chien, nettoyage des toilettes, etc. De par sa position hiérarchique, l’appelante était largement exposée à ces changements d’attitudes et exigences variées. Il est établi qu’elle en a largement souffert, les ressentant comme une absence de reconnaissance de ses compétences et engagements. La pression à laquelle elle était soumise, du fait de sa loyauté pour l’épouse défunte, et compte tenu de sa situation personnelle (permis B, aide fournie à sa mère en Somalie), qui l’empêchait de donner son congé, ont contribué à rendre la situation encore plus difficile » (c. 5.2).
Toutefois, la travailleuse avait parlé de ses problèmes conjugaux à son employeur, qui a proposé son aide. Elle « lui a envoyé un message affectueux pour son anniversaire, démontrant qu’elle lui faisait confiance, ce qu’a d’ailleurs confirmé le Dr. M. De plus, à plusieurs reprises durant la procédure, elle a fait part de son plaisir à travailler dans l’entreprise de l’intimé » (c. 5.2).
Au vu de ces éléments, notamment, la Cour arrive à la conclusion que l’attitude critiquable de l’employeur « était avant tout due à sa personnalité, et d’autres personnes que l’appelante ont eu à la subir. Il n’est pas établi que celui-ci avait des visées sexuelles sur l’appelante ou l’intention de l’humilier, de la rabaisser ou d’exercer sur elles des pressions pour la contraindre à quitter son poste ». Ainsi, « c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que le harcèlement psychologique ou sexuel » n’était pas démontré.
La Cour de justice confirme le jugement de première instance.
« Il n’y a pas lieu à la perception de frais judiciaires (art. 19 al. 3 let. c LACC) ni à l’allocation de dépens (art. 22 al. 2 LACC) » (cons. 6).