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FR 20.12.2005
discrimination salariale

LEg

art 3, art 5

procédure

16.05.2002Avis de la Commission cantonale de conciliation en matière de contestation portant sur une discrimination en raison du sexe dans les rapports de travail 11.06.2003Décision du Conseil d’Etat 20.12.2005Arrêt au Tribunal administratif (ATA 1A 03 73)

en fait

Mme A. est engagée en 1973 en tant qu’aide-infirmière par l’hôpital psychiatrique cantonal (ci-après « HPC »). Elle est nommée en cette qualité le 12 juin 1990 par le Conseil d’Etat. Elle suit de janvier à décembre 1995 une formation d’animatrice auprès des personnes âgées. L’HPC transfère Mme A. le 1er juin 1997 dans le secteur de l’animation, sans modification formelle de sa fonction initiale et de son cahier des charges.

Après plusieurs démarches de la part de Mme A., l’HPC reconnaît le 14 septembre 2001 le statut d’animatrice de Mme A. et adapte son traitement de classe 7 échelon 10 à la classe 8 échelon 9.

Le 29 septembre 2001, Mme A. recourt au Conseil d’Etat en concluant à ce qu’elle soit mise au bénéfice de la classe 10-12, avec paiement rétroactif du salaire dès le 1er juin 1997. Elle invoque l’arrêté du Conseil d’Etat relatif à la classification des fonctions, d’une part, qui prévoit que les animateurs sont en classe 10-12, et une inégalité de traitement avec son collègue masculin d’autre part, celui-ci bénéficiant de la classe 12. Mme A demande aussi l’avis de la Commission cantonale de conciliation en matière de contestation portant sur une discrimination en raison du sexe dans les rapports de travail. Cette dernière, le 16 mai 2002, considère que l’écart salarial entre Mme A. et son collègue doit être examiné sous l’angle de la LEg, ce d’autant plus que l’écart de rémunération est important (plus de CHF 1’000.—) Mme A. ayant démontré de surcroît la vraisemblance de la discrimination dont elle est la victime, il appartient à l’Etat de Fribourg de prouver qu’il n’y a pas discrimination à raison du sexe.

Le 11 juin 2003, le Conseil d’Etat rejette le recours, au motif qu’une formation de trois ans équivalente à un CFC est exigée pour atteindre la classe de fonction réclamée.

Mme A. ne remplissant pas cette exigence, son traitement peut être fixé à un niveau inférieur. L’inégalité de salaire est également écartée au motif que le CFC du collègue de Mme A. (peintre en bâtiment) n’est plus en rapport direct avec son métier d’animateur, la classe dont il bénéficie est donc indue. Il ne saurait donc être question d’égalité dans l’illégalité. Le Conseil d’Etat relève également que seule Mme A. et son collègue masculin exercent la fonction d’animateur à l’Etat de Fribourg.

Le 15 septembre 2003, Mme A. saisi le Tribunal administratif en concluant à l’annulation de la décision du Conseil d’Etat et l’adaptation rétroactive de son salaire avec suite de frais et dépens.

Le 20 décembre 2005, le Tribunal administratif du canton de Fribourg admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie l’affaire au Conseil d’Etat pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout avec suite de dépens.

en droit

Le Tribunal rappelle que selon l’art. 3 LEg il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement soit indirectement, et ce notamment en matière de rémunération. Cette interdiction s’applique aussi au droit public.

Le principe de l’égalité salariale repose sur la notion de travail de valeur égale. Dans le cas d’espèce, il est incontesté que Mme A. et son collègue masculin exercent une fonction strictement semblable, et qu’il n’y a pas d’autres animateurs à l’Etat de Fribourg. Le travail de ces deux personnes est donc de valeur égale.

Selon l’art. 6 LEg, l’existence d’une discrimination à raison du sexe est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable. Si elle y parvient, le fardeau de la preuve est renversé et c’est à l’employeur d’établir l’absence de discrimination. Quand des travailleurs de sexe opposé ont une position semblable dans l’entreprise avec des cahiers des charges comparables, une différence de rémunération est présumée discriminatoire à raison du sexe. Si l’employeur ne parvient pas à prouver l’inexistence de la discrimination, l’action de la travailleuse doit être admise. Une différence de salaire n’est pas discriminatoire si elle repose sur des motifs objectifs (formation, ancienneté, qualification, etc. ) ou des préoccupations sociales.

Dans le cas d’espèce, la différence de salaire est patente, Mme A. recevant un traitement en fonction d’une classe très en dessous de celle de son collègue. Le fait est reconnu par le Conseil d’Etat, qui n’avance aucun motif objectif pouvant le justifier. Le caractère sexiste de la discrimination est aussi manifeste, dans la mesure où le Conseil d’Etat a aussi admis que la classe de traitement attribuée au collègue de Mme A. était injustifiée. Dans ces circonstances, le Conseil d’Etat devra payer le salaire non discriminatoire. L’argument de l’égalité dans l’illégalité (en raison de l’attribution injustifiée d’une classe de traitement supérieure au collègue de Mme A.) est écarté.dans la mesure où l’HPC a maintenu une situation illégale sur une longue période et doit donc se voir opposer sa politique salariale. Aucun intérêt privé ou public prépondérant ne s’oppose à cette solution. Le Tribunal administratif renvoie toutefois l’affaire au Conseil d’Etat pour que soit fixé dans le détail le traitement non discriminatoire de Mme A. en tenant compte des facteurs objectifs du cas.

Le recours de A. est admis et l’arrêt attaqué est annulé. L’affaire st renvoyée au Conseil d’Etat pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Une indemnité de partie est octroyée, à la charge de l’Etat. La procédure est gratuite.

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